dimanche 23 juin 2019

Les chambres noires de l'esprit

Chaque fois que nous nous souvenons de quelque chose, nous le transformons. Ainsi fonctionne notre cerveau. J'envisage mes souvenirs comme les pièces  d'une maison . Je ne peux pas m'empêcher de les modifier quand j'entre à l'intérieur. Je laisse des traces de boue par terre, je bouscule un peu les meubles, crée des tourbillons de poussière. Avec le temps, ces petites altérations s'additionnent.
 Les photos accélèrent ce délitement. Mon travail est l'ennemi de la mémoire. Les gens s'imaginent souvent que prendre des photos les aidera à se souvenir précisément de ce qui est arrivé. En fait, c'est le contraire. J'ai appris à laisser mon appareil au placard pour les évènements important parce que les images ont le don de remplacer mes souvenirs. Soit je garde mes impressions à l'esprit, soit je fais une photo - pas les deux.
Se souvenir, c'est réécrire. Photographier, c'est substituer. Les seuls souvenirs fiables, j'imagine, sont ceux qui ont été oubliés. Ils sont les chambres noires de l'esprit . Fermées, intactes, non corrompues.
Abby Geni
Farallon Islands
Actes Sud


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