dimanche 27 mars 2022

Je me souviens avoir eu cette conversation

Je me demande d'ailleurs si je n'est pas toujours été davantage fasciné par le processus de création que par l’œuvre produite. Quand j'écris, il y a une réflexion qui me trotte dans la tête: "Un livre, je préfère l'écrire, plutôt qu'il soit écrit.". Ce qui me plaît le plus en somme, c'est d'être en train de l'écrire. Le résultat final - le livre achevé-, évidemment est nécessaire. Parce que si je savais que si ce que je suis en train d'écrire allait irrémédiablement être détruit à chaque fois que je finis le manuscrit, cela me plairait sans doute moins.
Jean-Philippe Toussaint
C'est vous l'écrivain

Le voyage est au coin de la rue


 

samedi 19 mars 2022

Pour les rêves parallèles

 

Coucher avec elle
Pour le sommeil côte à côte
Pour les rêves parallèles
Pour la double respiration 
Coucher avec elle
Pour l’ombre unique et surprenante
Pour la même chaleur
Pour la même solitude 
Coucher avec elle
Pour l’aurore partagée
Pour le minuit identique
Pour les mêmes fantômes 
Coucher coucher avec elle
Pour l’amour absolu
Pour le vice, pour le vice
Pour les baisers de toute espèce 
Coucher avec elle
Pour un naufrage ineffable
Pour se prouver et prouver vraiment
Que jamais n’a pesé sur l’âme et le corps des amants
Le mensonge d’une tache originelle


Robert DESNOS
Merci à Frédéric Martin pour la découverte

Un léger frémissement


 

vendredi 18 mars 2022

Sinon à part ça

 Sinon à part ça:

- A chaque fois que mon anniversaire approche je me roule en boule et je ne fais plus rien. Cette année pas d'exception. Toutefois je me suis fait un petit cadeau: trois tonnes de gravier viennent de m'être livrées et je les contemple, superbes, au milieu de ma cour. J’aime bien les livraisons, ça me fait de la visite. Un beau camion se gare devant la maison, un type en sort en fumant sa clope, on parle un peu, je prends une voix grave de mec sérieux. En général il me demande ce que je fous dans un bled pareil et je réponds les conneries habituelles, celles qui démasquent immédiatement le parisien en état d’auto-hypnose: qualité de vie, place pour bosser, beuh du jardin, les bobards de l’imbécile qui va s’installer à deux heures de Paris parce que les loyers y sont devenus intenables. Le livreur écrase sa clope dans mon gravier et repars vers des contrées chatoyantes, Troyes, Sens, Auxerre, des noms étincelants vers lesquels il file sans se retourner. Je le regarde s’éloigner dans la steppe, puis je vais chercher ma brouette et ma pelle pour trimballer ce gravier et venir à bout de la flaque de boue qui envahit ma cour. Au loin un nuage de poussière. Le camion ou l’armée Tartare qui galope vers le village. J’étale mon gravier.
-Je découvre les beautés de la faune sauvage. Ainsi je vois parfois des trous dans les chemins, profonds et coniques. Au fond: de gigantesques merdes. Je croise un vieil agriculteur et je lui montre l’objet de ma curiosité. Il hausse les épaules et me dit « randonneur ». Je suis pas convaincu. J’appelle un ami biologiste qui m’explique que le blaireau est connu pour creuser des latrines et y faire ses besoins. Je raccroche, émerveillé par la beauté du monde. Les randonneurs ne se donnent pas toujours la peine de creuser un trou. Et de mémoire d’homme on en a jamais vu sur le plateau.

https://www.facebook.com/letampographesardon/


Passer les lignes


 

jeudi 17 mars 2022

Le rideau déchiré


Les paroles sont si souvent comme des rideaux de fenêtre, un écran décoratif qui permet de maintenir les voisins à distance.

La voleuse d'hommes - Margaret Atwood

samedi 12 mars 2022

État d'âme

Je photographie tout ce qui me surprend. Si rien ne me surprend, je ne photographie rien. C’est encore la surprise quand je reprends mes négatifs. Travailler sur ses archives, c’est accepter son travail comme il est ou a été. Il y a des choses bien, et d’autres moins bien, mais ce n’est pas un poids. Tout se renforce, ce que tu aimes comme ce que tu détestes. Cela renforce le sens de ton œuvre, son empreinte, cela la consolide. La photographie est une matière vivante. Écouter, voir, lire, voyager, mes images sont la somme de toutes mes connaissances et de mes pensées. Et, en fait, c’est mon âme qui se retranscrit en images…
Graciela Iturbide

Le condamné au tribunal, c'est aujourd'hui et demain. Vous êtes prévenus