samedi 30 mai 2020

Les visages aimés d’hier commencent à jaunir

Je suis en train de m’adapter à la dégradation et d’accepter l’inacceptable. Je manœuvre pour réorganiser ma vie. Je suis en train d’oublier comment étaient les choses avant. Les visages aimés d’hier commencent à jaunir. J’ai devant moi, peu à peu sans plus aucune alternative, le présent.
Pasolini

Élevage des mille pucerons




lundi 25 mai 2020

Histoire du petit nuage



Le petit nuage


Il était une fois un nuage très triste. Son plus grand plaisir aurait été d'arroser les champs, les arbres et les fleurs.
Mais il était à peine plus gros qu'une boule de coton. Les gros nuages noirs et gris, pleins de pluie étaient en colère. Ce petit bout de nuage au milieu les gênait.
"Bouge, vociféraient les gros nuages, nous devons arroser les forêts pour faire pousser les girolles, les trompettes de la mort et les trompettes chanterelles".
Alors, Cotonou, notre petit nuage partit encore plus triste qu'avant. Personne ne voulait le rejoindre.
Solitaire et triste, il poursuivit son chemin. Il était si triste qu'il se mit à pleurer.
Sa première larme tomba justement sur une fleur. C'était un joli coquelicot qui mourait de soif. Il regarda le ciel avec gratitude et sourit au petit nuage. Ce sourire mit un peu de baume sur le cœur blessé du petit Cotonou et il commença à comprendre qu'un jour lui aussi serait grand et qu'il pourrait arroser la terre et la faire fleurir.
Trouvé sur momes.net

jeudi 21 mai 2020

You're living for nothing now


On dit souvent que nos vraies passions musicales naissent à l’adolescence – « et les amours qui suivent sont moins involontaires » (La Bruyère). La chance du critique – et sa malédiction – est, sinon de prolonger cette phase transitoire de la vie, d’en connaître plusieurs. Mais la première fois que j’ai succombé à la lenteur fascinante de Famous Blue Raincoat, j’avais 14 ou 15 ans. N’étudiant pas l’anglais, je ne comprenais pas grand-chose aux paroles. J’avais pourtant l’impression de ressentir cette chanson dans chacune de mes fibres. You’re Living’ for Nothing Now, en plus d’être assez simple, ça n’avait nul besoin de traduction. Je crois que c’est la lenteur qui m’impressionnait par-dessus tout. Elle s’accordait étrangement au métabolisme d’un ado provincial aussi porté à l’exubérance qu’un hérisson neurasthénique. Je ne savais presque rien de Leonard Cohen, que j’ai donc attaqué par la face noire. Le disque était à ma grande sœur, je lui piquais aussi The Favorite Game, traduit chez 10/18, un roman poétique dont les pages débordaient de sexe.
François Gorin
Télérama.fr
21/05/2020

Pauser le regard


samedi 9 mai 2020

Vivre deux vies

J’ai tant de sentiments
Que je me persuade fréquemment
Que je suis un sentimental.
Pourtant je reconnais, quand je me considère,
Que tout cela est une affaire de pensée,
Et qu’au bout du compte je n’ai en rien senti.

Nous avons, nous tous qui vivons,
D’une part une vie vécue
Et de l’autre une vie pensée:
L’unique vie que nous ayons
Est celle qui est partagée
Entre l’authentique et la fausse.

Mais des deux vies, laquelle est authentique,
Laquelle est fausse, il n’y a personne au monde
Capable de nous l’expliquer;
Alors nous vivons de façon
Que la vie que nous avons
Est celle qui doit se penser.

Fernando PESSOA
Merci à Siham

Le jour et la nuit