jeudi 21 mai 2020

You're living for nothing now


On dit souvent que nos vraies passions musicales naissent à l’adolescence – « et les amours qui suivent sont moins involontaires » (La Bruyère). La chance du critique – et sa malédiction – est, sinon de prolonger cette phase transitoire de la vie, d’en connaître plusieurs. Mais la première fois que j’ai succombé à la lenteur fascinante de Famous Blue Raincoat, j’avais 14 ou 15 ans. N’étudiant pas l’anglais, je ne comprenais pas grand-chose aux paroles. J’avais pourtant l’impression de ressentir cette chanson dans chacune de mes fibres. You’re Living’ for Nothing Now, en plus d’être assez simple, ça n’avait nul besoin de traduction. Je crois que c’est la lenteur qui m’impressionnait par-dessus tout. Elle s’accordait étrangement au métabolisme d’un ado provincial aussi porté à l’exubérance qu’un hérisson neurasthénique. Je ne savais presque rien de Leonard Cohen, que j’ai donc attaqué par la face noire. Le disque était à ma grande sœur, je lui piquais aussi The Favorite Game, traduit chez 10/18, un roman poétique dont les pages débordaient de sexe.
François Gorin
Télérama.fr
21/05/2020

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