vendredi 20 novembre 2020

Impasse du Parle-Tout-Seul


Impasse du Parle-Tout-Seul
J'avais parlé avec quelqu'un.
- Ça ne manque pas de piquant !
 
C'est vrai. Mais l'autre c'était moi
Puisque cela est arrivé
Impasse du Parle-Tout-Seul ...
 
Mais alors qu'y a-t-il à faire
De ce dialogue sans dialogue,
Cette parole sans parole ?
 
Rien ; car la vie est une meule
Qui moud la pénurie de blé : 
Je ne parlais qu'à moi-même
Impasse du Parle-Tout-Seul ...  
Fernando Pessoa




C'est le moins qu'on puisse dire


 

lundi 16 novembre 2020

Sur le fil du rasoir

 Un ami  a vu ici une réminiscence de Jim Harrison, l'occasion d'aller faire un tour de bibliothèque :
Quand quelqu'un tombe le masque, on se demande toujours si son nouveau visage n'est pas un autre masque.  

Dalva

 
 
 


mercredi 11 novembre 2020

dimanche 8 novembre 2020

Hasard de ma play list

 France culture

Il ne m'a pas appris l'anglais
Il ne m'a pas appris l'allemand
Ni même le français correctement
Elle ne m'a pas parlé des livres
De l'histoire des idées
Pas de politique à suivre
Pas de mouvements de pensée
Elle ne m'a rien montré de pratique
Ni cuisine, ni couture
Faire monter une mayonnaise
Monter une SARL, tenir un intérieur

Il ne connaissait pas grand chose en mathématiques
Ni équation de Schrödinger
Mais pour être honnête
On a veillé à ce que je perfectionne mon revers à deux mains
Que je fléchisse bien sur mes jambes, mais ça n'est pas resté
Ça n'est pas rentré
On m'a donné un modèle libéral, démocratique
On m'a donné un certain dégoût
Disons désintérêt de la religion
Mais il ne m'a pas dit à quoi servait le piano
Ni le cinéma français qui pourtant le faisait vivre
Elle ne m'a pas dit comment elle s'était mariée, trompée, séparée
Ni donné d'autre modèle à suivre

On m'a pas parlé de Marx, rival de Tocqueville
Ni Weber, ennemi de Lukacs
Mais on m'a dit qu'il fallait voter
Elle n'a pas caché l'existence mais a tue celle de Rousseau
De Proust, de Mort à Crédit
Ils n'ont fait aucun commentaire sur mai 68
Ni commentaire sur la société du spectacle
Mais ils savaient que Balzac était payé à la ligne
Et qu'on pouvait en tirer un certain mépris

Ils ne connaissaient pas d'histoires de résistance ou de Gestapo
Mais quelques arnaques pour payer moins d'impôts
Ils se souvenaient en souriant de la carte du PC de leur père
Mais peu de De Gaulle, une blague sur Pétain, rien sur Hitler
Ils avaient connu le monde sans télévision mais n'en disait rien
Ils n'avaient pas voulu que je regarde Apocalypse Now
Mais je pouvais lire Au cœur des ténèbres
Je ne l'ai pas lu, on ne m'a pas dit que c'était bien

On m'a pas dit comment faire avec les filles
Comment faire avec l'argent, comment faire avec les morts
Il fallait trouver comment vivre avec demi-frère, demi-sœur
Demi-mort, demi-compagne, maîtresses et remariés
Alcoolique, pas français
Fils de gauche tu milites, milites
Fils de droite, hérite, profite

On ne m'a pas donné de coups
On m'a sans doute aimé beaucoup
Il n'y avait pas de choses à faire
À part, peut-être, polytechnicien
Il n'y avait pas de choses à ne pas faire
À part, peut-être, musicien
Elle m'a fait sentir que la drogue était trop dangereuse
Il m'a dit que la cigarette était trop chère
Elle m'a dit qu'une fois elle avait été amoureuse
Elle ne m'a pas dit si ça avait été de mon père

Elle m'a pas dit comment faire quand on se sent seul
Il ne m'a pas dit qu'entre vieux amis, souvent, on s'engueule
On s'embrouille, que tout se brouille, se complique, qu'il faudrait faire sans
Elle ne m'a rien dit sur Freud et j'ignore Lacan
Pas de conseils ni de raison pratique
Pas de sagesse des familles, pas d'histoires pour faire dormir les enfants
Pas d'histoires pour faire rêver les grands

Il ne soufflait mot de la Nouvelle Vague
Et de tout ce qu'on voyait avant
Mais parlait du Louvre comme d'un truc intéressant
On disait rien sur Michel Sardou
Mais on devait aimer Julien Clerc
On m'a parlé d'un concert
Sinon, je ne sais rien des pauvres
Je ne sais rien des restes d'aristocrates
Je ne sais rien des gauchistes
Je ne sais rien des nouveaux riches
On ne parlait pas de cathos, ni de juifs
Ni d'arabes
Il n'y avait pas de Chinois
Elle trouvait que les Noirs sentaient
Elle n'aimait pas les odeurs
Lui, lui s'en foutait

Paroliers : Arnaud Fleurent-Didier

 C'est ici pour écouter

A défaut de Conques


 

dimanche 1 novembre 2020

Ce fameux imper bleu

Mais la première fois que j’ai succombé à la lenteur fascinante de Famous Blue Raincoat, j’avais 14 ou 15 ans. N’étudiant pas l’anglais, je ne comprenais pas grand-chose aux paroles. J’avais pourtant l’impression de ressentir cette chanson dans chacune de mes fibres. You’re Living’ for Nothing Now, en plus d’être assez simple, ça n’avait nul besoin de traduction. Je crois que c’est la lenteur qui m’impressionnait par-dessus tout. Elle s’accordait étrangement au métabolisme d’un ado provincial aussi porté à l’exubérance qu’un hérisson neurasthénique. Je ne savais presque rien de Léonard Cohen, que j’ai donc attaqué par la face noire. Le disque était à ma grande sœur, je lui piquais aussi The Favorite Game, traduit chez 10/18, un roman poétique dont les pages débordaient de sexe.

François Gorin
Télérama.fr
21/05/2020

1933 - 2020



 

Ceux qui partent