Un hasard favorable

Ce que je fais n'est pas un travail mais une  tâche. Je l'accomplis où que je sois, quoi que je fasse, accoudé au zinc, l’oreille tendue vers la conversation voisine ou attentif au murmure du vent en haut du palmier qu'il y avait devant la terrasse de l'hôtel, à Majorque, ou quand je marche dans un wagon du métro, que je retire avec soin les fleurs fanées du jasmin buissonnant dans le jardin de Lisbonne. (...) Le travail a un but, une direction, un début et une fin. La tâche est menée à bien à tout moment, elle se suffit à elle même et ne semble suivre aucun axe précis, c'est pourquoi tout imprévu qui entrave le travail lui est profitable. Dans cette tâche, il n'est aucun contretemps qui ne devienne un hasard favorable. Quand tu ne t'y consacre pas, la tâche se réalise toute seule.

Antonio Muñoz Molina

Un promeneur solitaire dans la foule

éd. Seuil

page 210