J'avais toujours pensé, quand j'habitais l'Occident que notre époque, c'est à dire celle des démocraties, était le plus haut sommet de responsabilité et de lucidité auquel était parvenue l'humanité. Or je crains (...) que l'on réside que peu de temps sur les sommets et que nous soyons déjà sur le versant descendant. Le temps des démocraties aura été une brève période de funambulisme historique, une grande époque de l'Histoire humaine qui hélas est en train de s'achever, à cause d'innombrables facteurs dont les principaux sont certes l'inintelligence des masses, ou leur peu de lucidité et l'irresponsabilité des hommes qui gouvernent le monde, mais aussi l'instinct grégaire, le fascination pour le désordre, l'envie de découdre en permanence et aussi sans doute la pulsion suicidaire de toute société à un moment de son existence. Cette pulsion est une de celles qui m'avaient le plus donné à réfléchir quand je faisais mas études en Europe, et je me suis pris à me demander si les peuples démocratiques ne finissent pas par se morfondre dans l'ennui ou dans le ressentiment et se trouvent pris dans une envie d'action, d'un besoin d'en découdre, d'allumer de grands brasiers et de se jeter dedans, poussés par d'inexplicables montée de désirs. (...)
Charif Majdalani
Dernière oasis
Actes Sud/Babel
p 122
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