jeudi 14 octobre 2021

Je finis toujours par penser à la simplicité d’une journée remplie de rien.

 

J’ai toujours été au bord de rien. L’impression de vivre dans un non-temps. Chaque petit bonheur saisi devenait passé et chaque rêve de futur me semblait déjà un souvenir. Seules la mer et la voix de Leonard Cohen font partie du présent. Le reste n’était que des projections, et ça, j’ai appris à m’en méfier. La photographie m’a permis de voyager et de voir la différence entre le possible et l’impossible. Je pouvais garder sans posséder, me rappeler sans souci d’oublier, survivre au lieu de vivre. Surtout savoir que tout a une histoire, chaque histoire deux versions, chaque version son passé. Je voyage entre l’Asie, l’Europe et le monde Arabe. Je vois dans la banalité du quotidien des traces auxquelles je serai à tout jamais lié. Je marche sur les ordures du Caire et je vois du sublime, je regarde les murs d’Auschwitz et je touche au sacré, je m’arrête devant une vitrine à Vienne et je m’aperçois du futile. Dans rien je prends tout. Je pense parfois à ce tout enfoui dans ma mémoire. Dans la solitude d’une chambre d’hôtel, le soir, je fais défiler mes peurs, mes erreurs, le visage de mes parents, de mes amis, des femmes aimées, de mes enfants, de la mort, de mon alcoolisme sevré et de mes soucis d’argent. Il n’y a pas de paix quand on cherche l’absolu. Je finis toujours par penser à la simplicité d’une journée remplie de rien. Ça me suffit. J’ai toujours été au bord de rien, et Leonard Cohen chante encore… 

Paulo Nozolino Porto, le 22 novembre 2001

Merci Fréd Martin pour l'envoi.

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